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chapitre 2

FEVRIER

 

 

Dimanche 1er février

Ciel de plomb, il neige et pleut à la fois, le vent souffle un air glacial. Y’a un truc dans l’air qui énerve Ulaszlo.  Il fait le fou dans son herbage et tape sur les nerfs de Sganarelle. En fait ce truc dans l’air, je ne sais pas ce que c’est exactement. Bientôt la pleine lune, la pression atmosphérique,  une éruption volcanique solaire ? Va savoir. Toujours est-il, que tout le monde est énervé. Moi j’ai galopé comme un dératé dans mon herbage tout seul, et j’ai glissé et je me suis blessé. Rien de grave, je me suis écorché. C’est superficiel. La dame a dit «  Bon ça suffit ! Journée à bêtises (pour parler poliment), tout le monde rentre. » Et comme de fait tout le monde est retourné en box. Du foin nous attendait et au moins, on était au chaud et au sec. Le vent qui souffle comme ça dans les oreilles, ça t’agite le cervelet, nous chevaux,  ça nous rend speeds. Mais pour comprendre cela, il faut avoir de grandes oreilles. Pour sûr qu’on réceptionne 5 sur 5 avec nos deux antennes paraboliques sur le dessus de la tête.  La dame en me voyant  trotter, m’a encore trouvé des déplacements de cheval de dressage. « Ce cheval-là trotte comme un dieu. » Elle l’a dit, oui j’ai entendu. Et ce n’est pas la première fois qu’elle le remarque. Elle a dit «  ce cheval-là trotte comme un dieu » et ce cheval c’est moi. Cool…

 

...

Jeudi 5 février

Hier soir, la dame nous a rentré un peu plus tard que d’habitude. Le soleil était couchant. C’était joli.

Dans son herbage, la petite Nubia, la jument blanche espagnole, prenait des couleurs roses orangées. Elle était toute d’or du soleil couchant. Elle était vraiment jolie dans cette lumière rasante de fin d’hiver. J’ai pensé à Bébé gueule d’Amour Ulaszlo. Vous pensez bien qu’il la mangeait des yeux. Après en box, je me suis dit que moi aussi, étant blanc, je devais être de la même couleur que la petite demoiselle. Cela se voyait moins à cause de ma couverture bleu-marronnée mais j’étais aussi couleur or. Voilà la magie des chevaux dit gris. Nous sommes en accord avec les couleurs du ciel, toujours. D’où croyez-vous qu’est née la légende de Pégase, le cheval blanc qui vivait dans le ciel ? Hein ?

 

Mardi 10 Février

Un mois jour pour jour que je suis dans ma nouvelle vie, en attente de la suivante. Aujourd’hui, c’était mon tour. Ici, on est brossé et les pieds sont goudronnés à tour de rôle.  Et aujourd’hui c’était mon tour. J’aime bien ce jour-là, le jour du pansage. J’ai fait un calin à la Dame. Je suis comme ça, que voulez-vous, je suis un tendre, un doux,  un gentil tendre. On ne se refait pas. Elle a bien gratté la boue sur ma joue. J’ai penché ma tête sur le côté et la boue décollée est tombée sur les cheveux et dans les yeux de la Dame. Je partage ma boue, je suis sympa.

... 

Cet aprem,  j’ai bossé à la longe. A présent que je reprends de l’état, que la carrière n’est ni la Louisiane et ses marécages, ni l’Antartique sans les pingouins, et bien j’ai bossé à la longe… D’abord, trouver un filet à ma taille… Un vieux au cuir tout dur… (Séance de graisse en perspective)… et puis nous voilà partis, la dame et moi sur la carrière. Derrière le mur qui longe l’espace de travail, il y avait Xavier et son copain qui travaillaient à poser une porte  au théâtre. Ca sciait, ça tournait, ça plantait, et bien moi… les travaux…. Ca me laisse IMPERTURBABLE ! J’ai trotté et galopé au deux mains. La Dame  a dit encore que j’avais un trot superbe. Elle aime me regarder trotter en rond…. Un truc d’humain. Je n’ai rien contre. Je le fais volontiers. Je fais tout volontiers. A la fin, elle m’a donné une carotte. Avec mes nouvelles dents, je n’osais pas trop. Et puis j’ai constaté que c’était facile de manger les carottes maintenant. J’ai posé ma tête sur l’épaule de la dame, et je l’ai bien regardé, longtemps avec mon gros œil marron

 

Mercredi je ne sais plus combien mais sûr de février

Le maréchal est venu. Je n’aime pas. Non je n’aime pas… Je n’aime pas. La dame est restée à ma tête puisque je ne reste pas à l’attache. Et j’ai donné mes pieds de très mauvaise grâce. Je n’aime pas le maréchal. Nubia n’aime pas non plus, je l’ai bien vu à son regard noir. Nous, les deux blancos, on est rebelle. J’ai quatre nouveaux fers qui cliquent, qui claquent quand je marche. Clic, clac, clic, clac. Et je suis bien content car je peux me déplacer sur terrain dur sans avoir mal aux pieds. C’est plutôt cool. La dame m’a fait trotter dans la cour… OH surprise, je peux courir et pas même mal ! Bon, après réflexion : J’aime bien le maréchal… surtout mes booos fers qui cliquent qui claquent !

 

Un autre jour de février

Au pas, J’ai mon jarret droit qui tourne, parfois, vers l’extérieur. La dame dit que j’écrase les cigarettes. Elle dit aussi que je trotte comme un dieu.

Je suis un dieu non-fumeur !

 

J’ai oublié la date…

Les herbages d’ici ont des noms : L’herbage de la carrière, celui de la mare et celui du haut, celui de Diego (du nom d’un étalon noir espagnol qui vivait là). Celui de la carrière est voisin avec le jardin de la maison. C’est un beau jardin, avec une pelouse bien verte, comme on fait chez nous en Normandie. Bien entretenu aussi. Un gazon pour ainsi dire. Et ce gazon on le voit quasiment de tous les herbages, et c’est comme une friandise interdite. Ca fait juste saliver et rêver. Le patron, Sganarelle, s’est dit qu’il était temps de remédier à ça.  Ha, j’ai oublié de vous dire qu’il existe un petit portail en bois, bucolique et charmant entre l’herbage et le jardin. Donc Sganarelle, il a tritouillé, machouillé, bidouillé, bricolé et hop, magie des grands chevaux, le portail s’est ouvert. Cézame ouvre-toi et il s’est ouvert, Trop fort le Sganarelle ! Lui et Ulaszlo s’en sont donné à cœur  joie. Moi je les regardais de mon herbage, bien sagement. Oh, j’aurai bien aimé être avec eux. Quand ils sont repartis, le jardin ressemblait à un champ de bataille, avec des trous partout. Le soir, la dame s’est exclamée. Sganarelle et Ulaszlo l’ont regardé de leurs grands yeux étonnés : « ben quoi ! c’est pas nous ! ».

Les brigants. 

 

Mardi 24 février

La dame discute dans l’écurie avec son mari. La porte de mon box est ouverte, puisqu’elle va m’apporter mes plis de foin. Mais comme elle discute, je patiente un peu. Puis je m’impatiente. Enfin, quand je dis ça, à ma façon, à la méthode cool. Cela se traduit par : je sors. Je vais voir la si jolie Petite Soie Espagnole. Je vois bien qu’elle est flattée malgré ses petites manières. Je suis heureux, je suis à ses côtés, dans le couloir. Et Ulaszlo, de son box, passe sa grande tête par-dessus les barres et me pince l’encolure. « Dégage, c’est ma copine ». Je lui montre mon arrière main… Même si pas trop de place dans le couloir pour pivoter. « C’est ma copine, Aussi ! »

« Ok » dis la dame,  « c’est notre copine à tous ». Elle se glisse en souriant près de moi, et me fait gentiment reculer et m’invite à rejoindre mes pénates. De mon box, je vois la jolie demoiselle blanche qui cligne de l’œil. Bonheur.

 

Jeudi 26 février

Et ce matin, je ne suis pas allé dans mon herbage attitré. Non. Ce matin je suis allé dans un petit paddock, à côté du théâtre. Il n’est pas bien grand, voir pas grand du tout. Mais ça suffit pour se dégourdir les patounes, grignoter un brin d’herbe et surtout… dans ce paddock… Il y a une MARE. Oui ! Une mare, pleine d’eau. De la belle eau, bien boueuse, bien brune comme j’aime… L’eau ? Même pas peur ! j’y suis allé, j’ai éclaboussé avec mon antérieur, et je suis entré dans l’eau jusqu’au poitrail. Quel pied.. Quel sabot devrais-je dire.

J’étais content comme tout. Ca va que la mare est curée l’été, la dame m’a donc laissé patauger comme un enfant dans ma belle eau boueuse. J’y suis allé direct. L’eau, j’aime ça ! Après ça, j’ai repéré l’endroit le plus boueux de la parcelle et je me suis roulé et roulé pour bien marroner ma couverture et en faire autant avec mon encolure et ma joue. Et puis une simple clôture blanche nous sépare Nubia et moi. Et je peux regarder à loisir la jolie demoiselle vivre sa petite vie de cheval élégant et gracieux. Quant à son altesse, elle me fait les gros yeux, se montre menaçante.  Je regarde  passer Petite Soie en souriant. Cool, la vie.

 

 27 février

Petit cheval de la mare cherche sa dame du Lac. J’ai tout de la légende : Pégase, Jolly jumper, Lancelot du Lac même ! J’aimerai bien crée une nouvelle légende avec quelqu’un. Cela deviendrait notre légende à nous, rien qu’à nous … Soupir…


 

Petit cheval blanc trotte avec espoir vers sa raison d’être.

estimo

 

 

Association des Chevaux et des Ailes

1527 chemin des Perches


14140 GRANDCHAMP-LE-CHATEAU

 

 

chapitre 3